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    Cerise et Rémi quittèrent les ruines main dans la main et dans un silence quasi religieux. Bien sûr, et vous l’aurez sans doute compris, la religion n’avait rien à voir avec ce brusque mutisme. Du reste, si l’esprit avait la faculté de s’exprimer à voix haute, il est probable que le couple aurait pu être accusé de tapage nocturne, tant les pensées se bousculaient de façon violente en eux.

     

                Pour la jeune femme, la manière dont s’étaient enchaînés les évènements de la journée pouvait se prêter à une amourette de vacances et, après tout, c’était aussi pour cela qu’elle avait décidé de s’évader de Paris. Cependant, une petite voix intérieure, cette petite voix qui nous arrive d’entendre à certaines occasions et qui nous souffle des conseils que l’on n’écoute pas toujours, ou bien tente de nous expliquer des choses que l’on ne comprend pas, cette voix que l’on peut comparer à une forme de conscience, bonne ou mauvaise, lui conseillait la prudence… Mais la prudence par rapport à quoi, à qui ? Devait-elle faire attention parce qu’elle se sentait bien, trop bien peut-être ? Tout compte fait, pour Cerise, cette voix menait plus à des doutes qu’à un véritable conseil.

     

                Rémi, de son côté, n’entendait pas une petite voix intérieure, mais cela ne l’empêchait pas de se parler, d’analyser les évènements et de tenter de comprendre pourquoi ils s’étaient produits. Que s’était-il passé exactement ? Il avait rencontré une cycliste victime d’une crevaison, l’avait aidé, quoi de plus naturel ?, puis il lui avait servi de guide pour le restant de la journée, après avoir décidé, d’un commun accord, de partager le même emplacement de camping. Il s’en était suivi un dîner aux notes romantiques, un somptueux repas qui avait charmé bien plus que des papilles, et tout s’était terminé sur une danse passionnelle de deux corps, deux âmes, se désirant plus que tout. Là encore, quoi de plus naturel que deux adultes consentants cédant aux plaisirs du sexe ? En plus d’être belle, Cerise était baignée dans un charme à couper le souffle. Ses yeux étaient comme un lagon vert, calme et torride à la fois, auquel il était bien difficile de ne pas plonger. Mais, tout aussi belle soit-elle, Cerise était aussi bien plus jeune que lui et, là, se trouvait son véritablement questionnement : comment avait-il pu succomber, aussi facilement, aussi rapidement, aux charmes d’une femme qui n’avait même pas 30 ans ? Etait-ce la crise de la cinquantaine qui se présentait déjà à lui ? Etait-ce autre chose ? Quoi, alors ?

     

                Un petit vent, presqu’un courant d’air, se leva, délivrant une petite fraîcheur qui apaisa l’incendie de questions qui les ravageait. Toujours main dans la main, et toujours en silence, ils échangèrent quelques regards complices et l’enchantement, qui s’était momentanément dissipé, fondit à nouveau sur eux. Ils se sourirent ; leurs yeux brillèrent. Sans se dire le moindre mot, ils entamèrent, au travers de leurs jeux de regards, un dialogue d’une tendre poésie.

     

                Après de longues minutes, ils reprirent leur chemin en direction du camping, gagnés, chacun de leur côté, par un bonheur étrangement fort. Malgré l’heure très tardive, ils n’étaient pas le seul couple à flâner à la belle étoile : plusieurs autres étaient de sortie, qui pour la beauté des lieux à la nuit tombée, qui pour des autoportraits avec Rocamadour en arrière-plan, qui pour les deux à la fois et, sans doute, pour bien d’autres raisons encore.

     

    -          Je me demande combien d’aventures sexuelle ces ruines ont pu connaître, chuchota Cerise.

    -          Seules les pierres pourraient répondre à cette interrogation.

    -          Malheureusement, les pierres ne parlent pas.

    -          Certains pensent que si.

    -          Vraiment ? Et tu fais partie de ces certains ?

    -          N’aies crainte, je ne suis pas un illuminé ! répondit Rémi en éclatant de rire.

    -          Je n’ai jamais pensé que tu étais un illuminé, répliqua Cerise en sentant comme une boule de feu exploser dans son estomac, mais je suis certaine que tu dois connaître un tas de légendes concernant ta région.

     

    Rémi s’arrêta brusquement ; une lueur traversa son regard, comme s’il venait d’avoir une illumination.

     

    -          En parlant de légende, dit-il, je me rends compte que j’ai oublié de te montrer quelque chose, dans la cité.

    -          Quoi donc ?

    -          Sais-tu qui fut Roland dit le Preux ? répondit-il sur un ton volontairement mystérieux.

    -          Roland le Preux ?... Au vu du nom, il doit être un personnage célèbre de l’Histoire de France… Le seul qui me vienne à l’esprit est Roland de Roncevaux.

    -          Pas mal ! Il s’agit bien de la même personne. Roland aurait été, selon la légende, le neveu de Charlemagne, Comte des Marches de Bretagne et chevalier Franc. Il a été tué à Roncevaux, en l’an 778, ce qui explique, sans doute, que tout le monde retienne l’appellation de Roland de Roncevaux.

    -          Peut-être, mais, à moins que je dise une bêtise, le col de Roncevaux se trouve bien dans les Pyrénées, non ?

    -          En effet.

    -          Alors, quel est le rapport avec Rocamadour et ce que tu as oublié de m’y montrer ?

     

    Rémi esquissa un grand sourire en plantant un regard chargé de mystère dans les yeux verts de Cerise. Une nouvelle fois, il se sentit envahi par cette drôle de chaleur, si agréable à ressentir.

     

    -          Quelle impatience, mademoiselle !

    -          C’est un de mes nombreux défauts.

    -          Je retiens… Je vais donc te raconter l’histoire qui relie Roland, Roncevaux, Rocamadour… et Durandal, l’épée du chevalier Franc !... Mais reprenons donc notre marche… pour célébrer le Comte des Marches !

     

    Cerise passa un bras autour de la taille de Rémi et se laissa guider par le rythme de ses pas. Elle posa sa tête contre sa poitrine, prête à se laisser totalement emportée par la chaleur de sa voix mêlée aux chants des grillons infatigables.

     

    -          En 778, commença Rémi, des Vascons insoumis, nom donné au peuple Ibérique, attaquèrent l’arrière-garde de Charlemagne alors qu’elle gravissait une vallée très encaissée depuis Roncevaux. L’armement très lourd des soldats, associé à l’important dénivelé, rendaient la marche très difficile, fatigante, et les Vascons en profitèrent. Plusieurs nobles, composant cette arrière-garde, trouvèrent la mort dans cette souricière, dont Roland. Ces faits ne tiennent pas de la légende : ils ont été rapportés par un moine chroniqueur, dans une œuvre qu’il a écrite entre 829 et 836, la Vita Karoli Magni. Ce n’est que 3 siècles plus tard, vers la fin du XIème, que le chevalier entre brusquement dans la légende avec, notamment, la Chanson de Roland.

    -          Et que dit cette légende ? demanda Cerise sincèrement captivée par le récit.

    -          Les Vascons s’y transforment en Sarrasins et la mort de Roland, toujours situé à la même date et au même endroit, devient le symbole de l’affrontement entre chrétiens et musulmans. Suite à la trahison d’un autre chevalier, Gavelon, les Sarrasins attaquent l’arrière-garde de Charlemagne au col de Roncevaux. Roland et ses hommes résistent bravement, du mieux qu’ils le peuvent, mais finissent par succomber sous le nombre trop important de leurs ennemis. Blessé à mort, Roland sonne de son olifant pour appeler Charlemagne à son secours, puis, ne voulant pas que son épée, Durandal, tombe entre les mains de l’ennemi, il décide de la briser contre un rocher. Mais l’arme dispose d’un grand pouvoir et il est impossible de la détruire. Au lieu de se briser, la lame fend la roche, créant une gigantesque entaille dans la paroi, une faille que l’on connait aujourd’hui sous le nom de La brèche de Roland… Comprenant qu’il ne pourra pas briser Durandal, le chevalier s’adresse alors à l’archange St Michel, lui demandant de l’aider à soustraire son épée aux infidèles, et lance son arme dans la vallée. Portée par la protection de l’archange, Durandal traverse les Pyrénées en volant haut dans les airs et vient terminer sa course en se plantant dans la roche de Rocamadour, juste au-dessus de la chapelle Notre Dame… où elle se trouve toujours !... Voilà ce que j’ai oublié de te montrer : Durandal !

    -          Tu es sérieux ?

    -          Une épée est bien fichée dans la roche, une très vieille épée, rouillée, et personne ne sait réellement d’où elle vient, pourquoi et dans quelle circonstance elle y a été plantée… Nous n’avons plus que cette légende pour y donner un semblant d’explication… En fait, le souci de connaître un peu trop bien les choses, est que l’on finit par les oublier avec le temps, par ne plus les voir, même ce qui est beau.

    -          Tu me trouves vraiment belle ? questionna Cerise, changeant brusquement de conversation.

    -          Je pense que seul un fou ne te trouverait pas belle !

    -          Alors, j’espère que tu ne m’oublieras pas ! Je ne sais dire pourquoi, mais je n’aimerais pas sortir de tes souvenirs.

     

    Tout en parlant, ils étaient arrivés devant leurs tentes dont les cordes d’attaches s’entremêlaient par endroits. Le camping étant clairsemé de châtaigniers, des cigales se mêlaient à présent aux grillons, unissant leurs effort pour offrir un concerto qui mettait encore plus en valeur la beauté de la voute céleste.

     

    Cerise regarda un instant les deux toiles de tente, puis esquissa un sourire et se retourna en accrochant le regard de Rémi. Même dans la nuit, les deux émeraudes conservaient leur pouvoir attractif.

     

    -          Je crois que nous en avons monté une en trop, murmura-t-elle.

    -          Il semblerait, répondit Rémi en lui caressant la joue du bout des doigts.

    -          Faisons comme si tu m’avais raccompagné chez moi… Puis-je vous offrir un dernier verre, cher monsieur ?

    -          J’accepte votre invitation avec un immense plaisir, mademoiselle.

     

    Il passa sa main derrière la nuque de la jeune femme et attira son visage vers le sien.

     

    -          T’ai-je déjà dit combien tu es rayonnante ?

     

    Submergée par une nouvelle explosion de feu, Cerise se trouva incapable de prononcer le moindre mot, ce qui n’était pourtant pas dans ses habitudes.

     

    -          Tu te mordilles encore la lèvre !

    -          Tais-toi et embrasse-moi !

     

    Elle accompagna aussitôt son ordre par le geste et ce fut elle qui partit à l’assaut des lèvres de son amant, entamant une joute de langues passionnée. D’abord surpris par cette soudaine attaque, Rémi finit par se laisser emporter par la ferveur de l’étreinte, sentant le désir renaître de ses cendres, tel un Phénix, encore plus beau, encore plus puissant, et plus explosif. Ses mains glissèrent sur les cuisses de la jeune femme, passèrent sous sa robe et se saisirent de son fessier que des kilomètres de vélo avaient rendu musclé et ferme.

     

    Cerise laissa tomber sa tête en arrière, légèrement sur le côté et offrit son cou aux baisers chauds de Rémi. Il l’embrassa, la mordilla, descendant doucement le long d’une épaule en repoussant la bretelle de la robe jusqu’à ce qu’elle glisse le long du bras.

     

    -          Je crois que l’heure de ce dernier verre n’est pas encore venue, murmura Cerise dans un souffle redevenu très court.

    -          Tu me rends complètement fou !

    -          Que voilà une bonne folie, alors, répondit-elle en lui empoignant fermement les testicules au travers du pantalon en toile. J’ai envie de toi ! Je veux que tu me prennes, maintenant !

    -          Voilà qui ressemble énormément à un ordre, chère mademoiselle.

    -          Ça en est un !

     

    Cerise se libéra brusquement des bras de Rémi et s’agenouilla pour faire glisser le zip de sa toile de tente. Elle s’y engouffra et chercha à tâtons sa petite lampe torche, tandis que Rémi refermait l’ouverture derrière lui. Après quelques secondes, elle trouva enfin sa lampe ; la lumière soudaine fit scintiller ses yeux ; elle se mordit la lèvre.

     

    -          Toujours à te manger cette lèvre…

    -          C’est un tic que j’ai depuis toujours… quand je suis nerveuse.

    -          Tu es nerveuse ?

    -          Surexcitée est un qualificatif bien plus approprié, en ce moment.

     

    Elle disait seulement une partie de la vérité. Elle était bien habitée par une grande excitation, mais elle savait que ce n’était pas l’unique chose qui la troublait. La petite voix, dans son esprit, tentait de lui dire quelque chose concernant la confusion qui montait lentement, mais sûrement, en elle. Mais elle se refusa de l’écouter plus longtemps. Pour le moment, elle souhaitait juste faire l’amour et plonger dans les délices du sexe sans aucune retenue.

     

    -          Il fait très chaud ! s’exclama-t-elle en faisant passer sa robe par-dessus sa tête.

     

    N’ayant pas pris la peine de remettre sa culotte après leurs ébats au milieu des ruines, elle se retrouva entièrement nue, à genoux, assise sur ses chevilles, à quelques centimètres de Rémi, lui aussi installé dans la même position.

     

    -          Je crois qu’il va faire de plus en plus chaud, murmura celui-ci en se délectant de la vue qui lui était offerte.

     

    La lumière diffusée par la lampe-torche créait un jeu d’ombres très subtil sur le corps de la jeune femme. Sa poitrine, ferme et généreuse, en prenait encore plus de relief, tandis que, entre ses cuisses écartées, son Mont de Vénus se trouvait à la lisière de l’ombre et de la lumière ; il semblait inviter silencieusement à sa découverte, à son exploration. Avec une agilité très féline, Cerise se jeta sur Rémi et le fit s’allonger pour s’assoir à califourchon sur sa poitrine.

     

    -          Tu as une force surprenante !

    -          Ne t’avais-je pas dit que ce serait un vrai corps à corps ? lui répondit-elle en faisant sauter, un à un, les boutons de sa chemise. Tu as un beau torse.

    -          Il est pourtant loin d’être très musclé !

    -          Tu sais, contrairement à la légende, chez un homme, les muscles ne sont pas toujours les plus importants pour une femme.

     

    Elle se pencha sur lui et lui titilla un téton du bout de la langue. Lorsqu’il fut suffisamment dressé, elle le prit entre ses dents pour le mordiller avec plus ou moins de douceur. Rémi étouffa un petit cri, mais il ne repoussa pas pour autant la jeune femme ; il acceptait, pour le moment en tout cas, d’être en position d’attente, quelque peu dominé, appréciant le traitement qui lui était prodigué.

     

     

    Consciente de son succès, Cerise fit glisser sa langue le long du torse imberbe et s’arrêta sur l’autre téton, dont elle en redessina le contour avant de le happer pour le sucer avidement. Elle était toujours à califourchon sur Rémi, mais assise un peu plus bas, juste sur le sexe dont elle sentait la vigueur au travers du pantalon. Son intimité bouillonnait d’impatience ; elle sentait le désir couler sur ses cuisses...

     

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